vendredi 31 mars 2017

La triste fin du petit enfant huître et autres histoires

Tim Burton
Editions 10/18
EAN : 9782264048738

sorti le 20 novembre 2008
122 pages
bilingue : anglais-français


Fidèle à son univers d'une inventivité si particulière, mêlant cruauté et tendresse, macabre et poésie, Tim Burton donne le jour à une étonnante famille d'enfants solitaires, étranges et différents, exclus de tous et proches de nous, qui ne tarderont pas à nous horrifier et à nous attendrir, à nous émouvoir et à nous faire rire.
Un livre pour les adultes et pour l'enfant qui est en nous.

Mon avis : Ce livre rassemble une vingtaine de poèmes écrits par Tim Burton. On retrouve son univers particulier dans ces enfants abandonnés, exclus par les autres. Il oscille, et nous emporte avec lui, entre pitié et plaisir malsain devant les destins de ses pauvres créatures.
La poésie rajoute une dose de cruauté à cet ensemble, les personnages avançant irrémédiablement vers leur fin pour le plaisir de lier les rimes. Cependant, la traduction de René Belletto prend de nombreuses libertés par rapport au texte original pour garder la versification, au détriment à la fois du style et de la fluidité... J'ai trouvé que certains poèmes rendaient mieux en français cet univers original alors que d'autres étaient difficilement lisibles, les rimes complexifiant la lecture en coupant des mots.
Le recueil est illustré des dessins de Tim Burton, ce coup de crayon si reconnaissable qui nous rappelle d'autant plus ses films. Cependant, ceux-ci accompagnent la narration plus qu'ils ne la servent, mis à part pour Staring Girl.
Je reste tout de même mitigée sur ce livre ; si l'univers est bien retranscrit en mots, les histoires en elles-même ne sont pas intéressantes. Certains poèmes se limitent à trois malheureux vers... Il s'agit d'un bon complément de ses films, aucun doute sur cela, mais pas d'une oeuvre à part entière à mon sens. La question que je me pose est donc celle-ci : si Tim Burton n'était pas ce réalisateur marginalement reconnu, son recueil aurait-il autant d'intérêt ?

Un recueil de poèmes tendre et macabre, débordant d'humour noir, à l'image de son auteur.




"Mon fils, es-tu heureux ? Sans indiscrétion,
Rêves-tu quelquefois des célestes régions ?
Ne t'es-tu jamais dit : « Mourons » ?"
La triste fin du petit enfant huître

jeudi 30 mars 2017

Un palais de papier

Françoise Hamel
Fayard
EAN : 9782213686790

sorti le 15 mars 2017
352 pages
langue française


Merci aux éditions Fayard et à Netgalley pour ce livre.

Lorsqu'Espérance de Kerzo quitte sa Bretagne natale pour la capitale, les caisses du Royaume de France sont désespérément vides et Louis XIV a accumulé une dette colossale. Déjà. Puis le Roi-Soleil s'éteint, mais l'ardoise reste.
Cependant tout Paris bruisse du nom d'un aventurier d'origine écossaise : John Law. Car cet homme a un plan, qui aura bientôt la faveur du Régent : remplacer la monnaie métallique par des billets de papier.
Fascinée, Espérance de Kerzo entre au service de celui dont on espère qu'il sauvera le pays de la faillite. Et c'est de l'intérieur, en observatrice privilégiée, qu'elle raconte les grandes innovations et les petites manigances de cette entreprise.
Pourtant, cette jeune fille fougueuse et libre, lectrice avide aussi bien de Montaigne que du Code paysan des premiers Bonnets rouges, a toujours rêvé de liberté - et jamais de finance. Les sentiments que lui inspire le troublant John Law seraient-ils à l'origine de cette contradiction ?

Mon avis : Un palais de papier relate les événements se déroulant entre 1715 et 1720, une période de l'Histoire française peu connue dans ses détails. On va y suivre Kerzo, une jeune femme venue à Paris et découvrir à travers son regard la vie mondaine, les complots et les mœurs de cette époque.
Espérance de Kerzo est une "petite gens", passionnée de littérature, de philosophie, extrêmement humaine, généreuse et rêvant d'égalité et de justice. Grâce à ses connaissances en lettres, elle va progressivement s'intégrer dans les salons et côtoyer de grands noms tels que Montesquieu, Marivaux ou encore Voltaire. Mais elle va surtout être repérée par John Law qui lui demandera de l'assister dans la tâche qu'il s'est fixée : rétablir la stabilité économique dans le royaume.
Ce livre me semblait intéressant pour l'affaire financière qu'il raconte, et le nom de John Law ne m'étant pas tout à fait inconnu (pour ceux qui comprennent l'anglais et qui seraient intéressés par cette affaire, je vous recommande les vidéos d'Extra Credits "The History of Paper Money") j'étais vraiment impatiente de le lire. L'écriture est poétique, pleine de métaphores, dont celle du lys de mer qui me semble bien représenter Kerzo. Le style de Françoise Hamel veut rappeler celui de l'époque donc le langage est un peu vieux mais reste tout à fait compréhensible. Les personnages sont profonds, bien dépeints et complexes. Ils ont chacun leur propre caractère, ce qui amène de la diversité dans le texte, et on suit pas à pas leur évolution ce qui doit donner envie de savoir comment cette aventure finit pour chacun d'eux, et en particulier pour les quatre principaux. J'ai en particulier aimé celui de La Teignouze, prêtre nomade breton, révolté et philosophe, qui ne cache pas ses idéaux, mais qui reste lucide quant aux comportements du peuple et à l'incapacité de ses alliances politiques. De même, l'intrigue est intéressante sans être lourde, et si l'amour est présent le caractère libre et féministe de Kerzo le ramène toujours au deuxième, voire au troisième plan, bien après la littérature, la morale et la politique. Pourtant, je n'ai pas réussi à rentrer dans l'histoire, peut-être parce que je ne comprends absolument rien à la finance et que ça m'a rebutée inconsciemment, parce que je n'ai pas compris comment fonctionnait le système de Law... Je serai bien incapable d'expliquer pourquoi mais ce livre m'a semblé interminable. Les faits racontés sont intéressants, j'avais hâte de lire la multitude d'anecdotes historiques mais contre toute attente, je n'ai pas réussi à m'attacher à la majorité des personnages. J'ai lu ce livre "de loin".

Un bon roman historique sur la crise financière et le contexte politique du XVIIIème siècle.




"Faites comme le lys de mer, sur l'île de Houat : en cas de menace extérieure, il s'enfonce seul dans le sable et il n'en ressort qu'après avoir retrouvé sa tranquillité"
Un palais de papier

dimanche 26 mars 2017

Là-bas, c'est toujours loin

Corine Koch
L'Harmattan
EAN : 9782343106915

sorti le 2 janvier 2017
126 pages
langue française

Merci aux éditions L'Harmattan et à Livraddict pour ce livre.

En 1974, Sahraan quitte son île pour s'installer en France, ses souvenirs et un plant d'arbre pour seuls bagages. Il va maintenant vivre à V..., dans l'espoir de donner une vie meilleure à sa famille restée au pays en attendant qu'elle puisse le rejoindre.
Seize ans plus tard, Maira est à la recherche de ses origines. Son père est parti dans la nuit des années auparavant, elle ne garde aucun souvenir de lui. Jusqu'au jour où, en fouillant dans les affaires de sa défunte mère, elle trouve une vieille photo, floue. Sa quête l'emporte alors là-bas, au loin, dans un pays qu'elle ne connaît pas.

Mon avis : Il ne faut pas être un grand devin pour comprendre dès le résumé que Sahraan est ce père disparu, et le livre ne fait aucun mystère sur ce point. Dès son arrivée en France, l'homme explique sa présence et ses espoirs. On va le suivre dans ses tentatives d'intégration, le voir dans ses efforts pour apprendre la langue. Sa vie est un combat quotidien, contre le déracinement, contre le racisme, contre l'absence... Dans cette France rurale, sa différence effraie, ou attise la curiosité, et c'est de manière très touchante que Corine Koch décrit ce que peut ressentir un homme qui a tout quitté par amour pour sa fille.
De l'autre côté, on a le point de vue de Maira, fille élevée dans le mystère de cette absence. Elle a vécu pendant seize ans sans père, dont la seule image qu'elle possède vient des histoires de son grand-père. Elle a vécu dans la culpabilité et la tristesse, ressentant un manque qu'elle était incapable de combler. 
J'ai vraiment tout aimé dans ce roman, l'écriture fluide et haletante, la force et la profondeur des personnages... Sans rentrer dans les détails, je dirais juste que l'arbre a une importance capitale et que sa présence me donnait vraiment l'impression d'être dans un conte, comme si il enveloppait tous les passages qui le concerne d'une aura onirique, et on sait à quel point j'aime l'onirisme ! Mais il y a un détail qui m'a surtout surprise : malgré la promesse faite à sa femme, Sahraan envoie des lettres à sa fille, lettres qu'elle n'aura jamais vraiment l'occasion de lire au contraire du lecteur. Ces lettres sont écrites en portugais et la traduction est dans les notes de fin. J'ai trouvé ce parti très intéressant, et j'ai beaucoup aimé avoir cette dualité de langue qui rappelle les efforts du personnage pour apprendre le français.

Un livre magnifique sur l'absence, l'amour filial, le déracinement et la quête des origines.



"Pour se délivrer de l'odeur de la canne à sucre, de l'ombre protectrice des montagnes, du profil soucieux d'un visage penché sur un livre de comptes, il ne peut employer d'autres mots que les siens. Il rend au pays ce qui l'entrave ici."
Là-bas, c'est toujours loin

jeudi 23 mars 2017

L'installation de la peur

Rui Zink
Agullo Editions
ISBN : 9791095718062

sorti le 8 septembre 2016
192 pages
langue française


Quelqu'un sonne à l'entrée. La femme,méfiante, cache son enfant dans la salle de bain avant d'aller voir qui attend devant chez elle. Ils sont deux. Ils sont venus installer la peur, directive gouvernementale n°359/13. S'ensuit une performance inquiétante où les deux hommes répertorient tous les maux de la société. Mais on ne contrôle pas la peur, et le dénouement pourrait bien ne pas être celui auquel ils s'attendaient...

Mon avis : Après avoir lu Le destin du touriste, il me tardait de commencer ce livre ! On y retrouve la plume originale de Rui Zink, son écriture faite de phrases courtes, de répétitions. On lit ce livre très vite car tout s'enchaîne, jusque dans les dialogues qui rappellent les pièces de théâtre. D'ailleurs beaucoup de passages m'ont fait pensé au théâtre, la distance qu'il installe vis à vis des scènes qu'il nous décrit donne l'impression de lire des didascalies, tout comme les deux installateurs qui sont vraiment dans l'excès, dans la passion. L'absurde est toujours présent, dans la situation même (imaginez deux hommes qui viennent installer la peur chez vous comme ils installeraient l'électricité !), mais aussi dans les comportements.
Encore une fois, on ne sait ni où ni quand se passe l'intrigue. On ne connaît pas non plus le nom de cette femme qui sera appelée "la femme" tout au long du roman et, comme elle le dit, les noms des deux hommes sont certainement des "noms de guerre". Ce détachement permet de rire, parfois, d'une situation qui reste tout de même oppressante. Enfermé dans un huit-clos avec les personnages, on se sent rapidement pris au piège de la situation qui dégénère. C'est un effet assez surprenant de cette atmosphère ni noire ni agréable pour autant qui permet de rire tout en se sentant oppressé...
Et bien sûr, un petit retournement de situation à la fin !

Un livre décalé, doux-amer, qui malgré quelques longueurs a été un excellent moment de lecture.




"Madame n'est pas sans savoir que l'installation de la peur est un objectif patriotique. Directive n°359/13. Arrêté 8 : « La peur doit être installée dans tous les foyers dans un délai de cent vingt jours. »"
L'installation de la peur

dimanche 19 mars 2017

Damoclès

Fatou Ndong
Anyway Editions
EAN : 2374880486

sorti le 30 août 2016
336 pages
langue française


Merci à Fatou Ndong et à Livraddict pour cette découverte !

Jackson, 1963
A la demande de Madame Harper, la maîtresse de sa mère, Madelyn Johnson doit donner, dans le plus grand des secrets, des cours de soutien au fils de cette grande famille blanche. Bien qu'elle ait passé son enfance avec Sean et Sebastian Harper, leur différence de couleur leur a fait prendre des chemins différents, leurs mondes ne doivent pas se croiser. Dans cette ville ségrégationniste, cette demande est un véritable risque pour la jeune fille, car la mort est l'unique sentence pour les noirs coupable de n'importe quel préjudice. D'autant plus que Monsieur Harper se présente aux élections pour devenir maire de Jackson, si la relation entre Madelyn et les jumeaux Harper venait à être connue, il en serait fini de cette grande famille, et la coupable serait toute trouvée...

Mon avis : Avant de parler du contenu du livre en lui-même, je voudrai parler de sa naissance. A la fin du roman, on trouve un article du Figaro datant de 2011 ; à Jackson, un groupe d'adolescents blancs a tué, sans autre raison que la haine, un garagiste noir âgé de 49 ans. Il n'a pas même eu le temps de se défendre. Le racisme est encore très présent aux Etats-Unis, de ce fait, Damoclès est un livre actuel, engagé, qui mérite d'être connu.

Je pense que cet article représente la base de travail de Fatou Ndong : ses personnages sont en majorité des adolescents, entre 17 et 20 ans. Ils gravitent tous autour de la famille Harper, et ont des idées différentes, parfois opposées, sur le traitement infligé aux noirs. Sebastian, qui est resté en contact avec Madelyn toutes ces années, est quelqu'un qui voit au-delà de la couleur de peau alors que son frère jumeau Sean "suit le troupeau". La psychologie de ce dernier personnage est plus complexe que je ne pourrais le décrire, il change progressivement, mais son opinion au début du livre sur les noirs ne fait aucun doute : ils lui sont inférieurs, ne vivent que par (et pour) son plaisir. C'est une idée partagée par beaucoup de familles de Jackson. Quant à Madelyn, c'est une fille forte, qui refuse d'être rabaissée et rêve d'égalité, elle vit dans le ghetto noir avec sa mère et sa sœur, son père ayant du partir menacé par le Ku Klux Klan pour ses rêves de justice. On suit son quotidien, et c'est une vie dure à supporter...
La structure du livre joue énormément sur le ressenti du lecteur. Il est découpé en points de vue de personnages, on peut donc revoir les mêmes séquences vécues par des caractères différents. Ça permet de mieux comprendre le contexte et les enjeux, il n'y a pas de gentils ou de méchants, seulement des personnes manipulées par la société, leurs intérêts ou bien dépassées par les événements. Je ne raconterai pas la fin de l'histoire, mais je trouve que c'est quelque chose qui appuie ce fait. Le changement de points de vue permet aussi d'installer du suspense, de retenir l'attention du lecteur. J'ai également beaucoup aimé que les articles de la loi Jim Crow annoncent le sujet des chapitres suivants.
Si l'intrigue, et le livre en général, m'ont beaucoup plu, j'ai tout de même quelques points qui m'ont dérangés. Je tiens à préciser que ce n'est que mon ressenti (je suis un peu chiante sur les bords !) et que ça ne gêne en rien la lecture du roman ! Donc voilà, j'ai trouvé l'écriture un peu maladroite par moment, en particulier au niveau des dialogues ; certains n'apportaient aucune nouvelle information et je trouve ça dommage. De même, j'ai été déçue par les illustrations d'intérieur ; j'ai choisi ce livre aussi pour sa couverture qui me semblait bien refléter le sujet, son côté sérieux. J'ai trouvé que le graphisme des illustrations sortait complètement de cette idée, il rappelle vraiment les livres pour adolescents, donne un côté "léger" qui ne va pas avec le sujet. Les derniers points concernent l'intrigue : j'aurais aimé en savoir un peu plus sur le père de Madelyn, et j'aurais aussi aimé que le dénouement concernant James Carter soit amené un peu plus tôt, qu'on ait des indices tout au long du livre. C'est une révélation cohérente quand on connaît les personnages, mais qui me semblait un peu sortir de nulle part sur le coup.

Un excellent roman sur le racisme, touchant, brutal et d'actualité.




"Ils disaient qu'ils ne répondraient pas à cette violence par la violence, mais qu'ils continueraient de manifester et tout cela dans le calme. C'était pathétique !"
Damoclès

jeudi 16 mars 2017

Défaite des maîtres et possesseurs

Vincent Message
Le Seuil
EAN : 9782021300147

sorti le 7 janvier 2016
304 pages
langue française


COUP DE CŒUR !

Iris n'a pas de papiers. Hospitalisée après un accident de voiture, elle attend pour être opérée que Malo Claeys, avec qui elle habite, trouve un moyen de régulariser sa situation. Mais comment la tirer de ce piège alors que la vie qu'ils mènent ensemble est interdite, et qu'ils n'ont été protégés jusque-là que par la clandestinité ?

Mon avis : On est dans un univers qui ressemble beaucoup au nôtre, avec quelques changements. L'homme a perdu sa place de dominant et est maintenant asservi par des démons venus d'ailleurs dans la galaxie. Par les lois promulguées par ceux-ci, la vie humaine est totalement maîtrisée par ces nouveaux arrivants et l'homme se retrouve à la place qu'il donnait aux animaux. C'est une Terre troublante qu'on retrouve ici, cohérente mais qui donne des frissons. Quand j'ai commencé ce livre, j'avais peur que le côté "défense des animaux" soit trop lourd et finisse par m'agacer : c'est un sujet qui m'intéresse mais je n'aime pas qu'on me force la main et qu'on me juge. Au contraire, c'est un aspect du livre que j'ai beaucoup apprécié ; le message est clair mais subtil dans son écriture. Les animaux sont souvent cités dans le roman mais seul un passage rappelle vraiment la façon dont nous les traitons, je pense que c'est ce qui donne sa force au message, qui le grave dans les esprits de manière durable mais positive.
Dans ce monde, Malo Claeys, qui nous raconte une partie de son histoire, est un de ces envahisseurs, il travaille aux Bureau de l'éthique et défend les droits des humains. Il cache chez lui une jeune humaine, Iris, dans la plus totale illégalité, mais lorsque celle-ci est blessée après être sortie de la maison, c'est toute sa vie qui bascule : il risque de tout perdre, et avant tout Iris elle-même. La relation entre ces deux personnages est assez complexe. Je croyais au début qu'ils formaient un couple, mais Vincent Message est bien trop talentueux pour une explication aussi simple. Dépendants l'un de l'autre mais aussi très autonomes, ils vivent dans deux mondes différents et finalement je pense que c'est ça qui les lie et fortifie leur affection mutuelle. Iris est illégale dans son existence même, elle se repose sur Malo pour la cacher, la protéger (bien qu'elle soit une résistante endurcie, une femme forte) alors que celui-ci a besoin de sa présence pour oublier un moments les atrocités dont il est témoin dans son travail au quotidien. Ce lien entre eux est beau et fort sans qu'on puisse réellement mettre de mot dessus.
Finalement, j'ai vraiment été emportée par l'écriture de Vincent Message, et j'avoue que je ne m'y attendais pas. C'est rythmé, touchant, profond. Un grand coup de cœur.

Une fiction politique pour la défense des animaux, profonde et dérangeante.




"Mais ces heures de promenade dispersées à tous vents, si ce n'était plus quelque chose à peindre, c'était à vivre, du moins. C'était pour le présent."
Défaite des maîtres et possesseurs

jeudi 9 mars 2017

Le principe du désir

Saïdeh Pakravan
Belfond
EAN : 9782714470942

sorti le 2 mars 2017
426 pages
langue française


Merci aux éditions Belfond et à Netgalley pour cette découverte.

Sarah Bly, artiste new-yorkaise en pleine ascension dans le marché de l'art contemporain, rencontre un homme exceptionnel et immensément charismatique, Thaddeus Clark. Non seulement est-il un collectionneur de renommée internationale, un mécène et un géant des marchés financiers mais c'est aussi un être profondément équilibré et adorant la vie. Un homme heureux dont Sarah s'éprend de toute son âme mais avec qui elle ne veut pas vivre une banale histoire d'amour. Pour parer à ce risque, elle fait sien le Principe du désir :  puisque nous voulons tous ce que nous n'avons pas, jamais Clark ne verra d'elle autre chose qu'une tiédeur amicale et plutôt indifférente, sauf dans leur vie sexuelle d'une rare intensité. Devant la poursuivre sans cesse, il continuera à l'aimer.

Dans l'état second qui devient le sien, saura-t-elle dépasser sa folie passagère pour arriver à vivre avec Thaddeus ?

Mon avis : Le principe du désir a éveillé ma curiosité, raison pour laquelle je l'ai lu alors que généralement ce genre m'agace. Je partais donc avec un à-priori, sans compter que pour m'accrocher il faut que je sois prise dans le livre dès les premières lignes. Ça n'a pas été le cas ici. Le début m'a paru classique, sans originalité, que ce soit au niveau de l'intrigue ou de l'écriture, et la plupart des personnages étant présentés dans les premières pages, je me suis sentie un peu noyée sous le flux d'informations. Sans compter que ceux qui y sont présentés, Sarah en premier lieu, m'ont plutôt déplue. Je l'ai trouvée désagréable, avec ses proches pas forcément le personnage en lui-même, trop indécise, ce qui crée des étincelles avec son tempérament bouillonnant. Les autres, mis à part Thaddeus qui a un rôle capital, me paraissaient plutôt inutiles, et j'avais surtout l'impression que tout allait trop vite.
Et pourtant ! Malgré quelques longueurs, j'ai vite été emportée par le torrent de sentiments de Sarah. Sortant de relations malheureuses, elle ne veut pas perdre Thaddeus et décide donc de ne jamais lui montrer ce qu'elle ressent pour lui, pour qu'il la désire toujours plus. Cependant, elle va rapidement se retrouver emprisonnée dans sa stratégie, consciente du mal qu'elle fait subir à leur couple mais incapable de dire la vérité. La tension entre eux se développe progressivement au fil de leur relation. Et c'est là que je me suis rendue compte à quel point je m'étais faite de fausses idées. Les personnages mentionnés plus tôt montrent la détresse dans laquelle elle s'est refermée, seuls deux d'entre eux connaissent la situation et tentent de l'aider, et finalement c'est grâce à ces personnes que le lecteur se rend compte de tous les changements qui ont été opérés. Grâce à la puissance de son écriture, Saïdeh Pakravan nous emplie de peine pour ses personnages, Thaddeus simple et dévorant la vie qui finalement s'isole à cause de ses doutes et Sarah qui est déchirée en deux entre l'envie de montrer ce qu'elle ressent et la peur de tout perdre en le faisant. J'ai vraiment été surprise par cette lecture qui, sans être un coup de cœur, a réussi à me toucher.

Une romance poignante sur fond d'art, montrant la complexité des sentiments humains.



"C'est quand nous ne pouvons pas avoir quelque chose que nous nous y intéressons vraiment. C'est pareil pour les gens. Nous les voulons quand nous ne les avons pas. On peut appeler ça le principe du désir."
Le principe du désir

dimanche 5 mars 2017

Le destin du touriste

Rui Zink
Métailié
EAN : 9782864247333

sorti le 17 mars 2011
192 pages
langue française



Le tourisme en zone de guerre : un nouveau genre de tourisme, de plus en plus rentable, né de l'attrait humain pour le danger. Vivre au milieu des explosions. Assister à des bombardements. Pendant quelques jours, avoir pour quotidien les mines, les enlèvements. 
Greg fait l'expérience de cette nouvelle activité, avec une idée tenace derrière la tête, car lui, touriste, ne vient pas pour se délecter du malheur des autres - bien que son but n'en soit pas moins égoïste - le mystère l'enveloppe. Qui est-il ? Pourquoi est-il là ? Que cherche-t'il ?
Mais peut-être n'est-ce pas les bonnes questions à se poser...

Mon avis : Dans ce roman, ni le lieu ni le temps ne sont précisés, on se retrouve avec un texte qui ressemble plus à un conte, qui peut se passer n'importe où et n'importe quand. Il en est de même pour les personnages. On suit le point de vue de Greg dans ce lieu sordide, ses pensées plus ou moins absurdes (littéralement), mais on ne sait rien de lui, ni son vrai nom, ni son passé, rien qui nous explique son comportement. Et finalement, l'accumulation de ces petits mystères fait qu'on ne peut pas décrocher du livre.
Je pense que l'écriture de Rui Zink y est aussi pour beaucoup : face à un décor de guerre, de villes en ruine, de tôles brûlées, on trouve un style frais, parfois familier, qui décrit tout cela avec un regard moqueur. Dès les premières lignes, on est pris par le ton satirique utilisé, par son humour acerbe qui crée un contraste entre ce qui nous est raconté et la façon dont c'est dit. Cela, et les nombreuses répétitions, installe un rythme et donne un aspect assez ludique au texte.
Cependant, plus on avance dans le récit, plus on se rend compte que ce texte n'est pas seulement ludique. Il s'agit d'une critique de notre société de consommation à peine voilée, et offre aussi plusieurs réflexions, en particulier sur ce que l'homme attend de la réalité par rapport à ce qu'elle est réellement, ce qui donne autant d'indices pour deviner la fin... Fin très surprenante, à laquelle je ne m'attendais absolument pas ! Une fin en apothéose, très bien amenée, cohérente, et pourtant indevinable pour mon pauvre petit esprit de lectrice (et pourtant, j'avais vraiment repéré les indices !).

Un roman à dévorer, à la limite de la fiction politique, qui nous pousse à réfléchir sur le tourisme.




"Ce ne serait ni la première ni la dernière fois que le filtre de la fiction prenait le pas sur la réalité. L'une était toujours rapide et dynamique (ah, l'art du montage), l'autre avait tendance à être lente, ennuyeuse, décousue. Vraiment rasoir."
Le destin du touriste

mercredi 1 mars 2017

Bilan de février

C'est l'heure du bilan de février ! Alors, je ne sais pas comment j'ai fait, mais j'ai lu beaucoup plus de livres que ce à quoi je m'attendais... Et je les ai (presque) tous aimés ! Donc à ce niveau-là, très bon bilan pour moi. 
En ce qui concerne mes achats, ils sont plus nombreux que prévu... mais avec l'offre Philippe Picquier, je n'avais pas vraiment le choix, n'est-ce pas ? Ils m'ont vraiment faite craquer et c'est si compliqué de dire non à une estampe !



En cours
L'île aux trente cercueils de Maurice Leblanc

Livres lus
Gargantua de François Rabelais
Après le silence de Didier Castino
Le triangle d'or de Maurice Leblanc
Elle s'appelait Sarah de Tatiana de Rosnay
L'éclat d'obus de Maurice Leblanc
Généalogie d'une sorcière de Stéphane Perez et Benjamin Lacombe
Les confidences d'Arsène Lupin de Maurice Leblanc
L'incolore Tsukuru Tazaki et ses années de pèlerinage de Haruki Murakami
Le bouchon de cristal de Maurice Leblanc
Rouge Eden de Pierre J.B. Benichou
The Hero of Ages de Brandon Sanderson (trilogie Mistborn)

Bilan des challenges
3262 pages lues
11 livres
dont 4 de la PAL 2016

Les petits nouveaux
L'homme qui traversa la terre de Robert Darvel
La maison des épreuves de Jason Hrivnak
Le ruban de Ito Ogawa
Le roman de la cité interdite de Jîro Asada
Le destin du touriste de Rui Zink