vendredi 29 septembre 2017

La Destinée, la Mort et moi, comment j'ai conjuré le sort

S.G Browne
Agullo éditions
EAN : 9791095718048

sorti le 25 août 2016
416 pages


Règle n°1 : Ne jamais s'impliquer.
Incarnant le Sort depuis des millénaires, Sergio est en charge de l'attribution des heurs et malheurs qui frappent la plupart du genre humain, les 83% qui font toujours tout foirer. Il doit en plus subir l'insupportable bonne humeur de Destinée qui, elle, guide les grands hommes vers la consécration d'un Prix Nobel ou d'un Oscar. Et pour finir d'aggraver les choses, il vient de tomber amoureux de sa voisine, une jeune mortelle promise à un avenir glorieux. Entamer une relation avec elle viole la Règle n°1 et une bonne dizaine d'autres, ce qui pourrait bien pousser son supérieur hiérarchique Jerry - Dieu tout puissant - à lui infliger un sort pire que la mort...

Mon avis : Depuis des millénaires, Sergio fait le même boulot : remettre dans le droit chemin ses humains, mais ceux-ci ne l'aident pas tellement dans sa tâche. Alors Sergio déprime devant ces hommes qui préfèrent rejeter la faute sur les autres plutôt que de se prendre en main. Il les méprise. Il s'ennuie, ne sachant plus vraiment en quoi il est utile. Mais le jour où il rencontre sa jolie voisine, son point de vue commence à changer, il reprend espoir en l'humanité. Le problème ? Heureux, il devient insouciant... et imprudent. Il s'implique dans la vie des hommes, et en premier lieu dans celle de Sarah qui est promise à un grand avenir, et cet avenir n'est pas d'être la copine du Sort. 
C'est avec une écriture dynamique et un humour mordant que S.G Browne renouvelle ce thème qui n'est finalement pas si original. Des dieux qui tombent amoureux de mortelles ? On en voit depuis l'Antiquité. Et pourtant, le pari est réussi. 
On suit l'intrigue du point de vue de Sergio, ce qui donne du suspense (vraiment, c'est juste impossible de deviner ce qui va suivre à chaque fois) mais aussi des descriptions peu flatteuses (mais tellement drôles !) des autres personnages. Le sarcasme de l'auteur donne de la légèreté au texte, un côté irrévérencieux absolument captivant, ce qui le rend tout simplement impossible à lâcher. Tous les personnages (sauf Sarah, après tout Sergio est amoureux) ont un défaut ou un vice qui les décrit, tourné au ridicule ; Destinée est nymphomane, La Mort dépressif, et ça les rend d'autant plus attachants (ou insupportables, ça dépend de la place que Sergio a pris dans votre esprit). 
Mais La Destinée, la Mort et moi, comment j'ai conjuré le sort n'est pas seulement du divertissement. Ce côté léger crée un décalage avec le monde qui nous est dépeint, décrivant de manière comique des situations qui ne le sont pas forcément. C'est une critique de la société consumériste, décrivant avec brio les éléments égoïstes et égocentriques qui la compose, préférant se morfondre sur leur sort plutôt que de faire des efforts. Explicitement il critique son pays, mais pas besoin d'être Jerry pour se rendre compte qu'elle est valable partout. Ça faisait longtemps qu'un livre ne m'avait pas autant fait rire, une belle découverte, un petit bonheur de lecture. 

Une comédie burlesque à dévorer !






De temps en temps, il arrive que l'un d'entre nous cafouille, directement ou indirectement, et que ses ratés aient des répercussions plus ou moins catastrophiques. Voilà pourquoi certaines entités se voient dépossédées de leurs pouvoirs. Ce qui est super gênant. Y'a qu'à voir ce qu'endure la Paix.
La Destinée, la Mort et moi, comment j'ai conjuré le sort

samedi 23 septembre 2017

American psycho

Bret Easton Ellis
10/18
EAN : 9782264039378
sorti le 21 avril 2005
526 pages




Avec son sourire carnassier et ses costumes chics, Patrick Bateman est  l'incarnation du golden boy new-yorkais. Mais, à la nuit tombante, il laisse libre cours à sa démence. En bon serial killer, Patrick viole, torture et tue. Dans un monde lisse de tout sentiment,jusqu'où l'horreur peut-elle aller ?

Mon avis :  Si American psycho est très détaillé dans sa forme, Bret Easton Ellis est beaucoup moins explicite sur le fond. Son personnage, le jeune Patrick Bateman a tout ; l'argent, la beauté, l'intelligence. Cadre à Walt Street, il est entouré d'une panoplie d'amis dans la même veine que lui, qui ressemblent plus à un groupe d'adolescents condescendants qu'à des adultes mûrs. Mais dès les premières pages, un détail attire l'attention ; ces amis, avec qui il sort chaque soir, ne le connaissent pas. Ce groupe fait écho à la représentation des jeunes des années 60 et 70 aux Etats-Unis, chacun est égocentrique au possible et les conversations qui défilent suintent la superficialité, et ça quand les personnages s'écoutent les uns les autres plutôt que de s'écouter parler.
Ainsi, la solitude de Patrick se fait de plus en plus présente au fil des pages alors qu'on apprend l'autre facette de sa personnalité qui prend elle aussi une place importante. Patrick Bateman a un dédoublement de personnalité, la nuit tombée il laisse libre cours à sa violence sur les personnes qu'il trouve inférieures à lui : les femmes, les étrangers, les homosexuels...
Cependant, comme je l'ai déjà dit, l'écriture rend la compréhension beaucoup plus difficile. Avoir le point de vue de Patrick fait qu'on n'est jamais sûr de ce qui est réel ou pas, si ce qu'il nous raconte n'est pas juste un délire, un fantasme dû à son esprit malade. Certaines situations ne sont pas claires, d'autres incohérentes ; le fait que personne ne dise jamais rien lorsqu'il laisse entendre (explicitement) qu'il viole, torture et tue, comme si tout était absolument normal. Et les longues descriptions, des vêtements que les personnages portent, des lotions dont il s'enduit, rendent le livre lourd, demandant beaucoup d'efforts pour ne pas l'abandonner. Les scènes violentes de torture ou de pornographie cassent ce rythme monotone, elles se lisent plus facilement et sont moins scandaleuses que ce à quoi je m'attendais mais manquent d'intensité.

Un roman psychologique original.



Il existe une idée de Patrick Bateman, une espèce d'abstraction,mais il n'existe pas de moi réel, juste une entité, une chose illusoire et, bien que je puisse dissimuler mon regard glacé,mon regard fixe, bien que vous puissiez me serrer la main et sentir une chair qui étreint la votre, et peut-être même considérer que nous avons des styles de vie comparables, je ne suis tout simplement pas là.
American Psycho

samedi 16 septembre 2017

Le sympathisant

Viet Thanh Nguyen
Belfond
EAN : 9782714475657
sorti le 17 août 2017
483 pages



Merci aux éditions Belfond et à Netgalley.


Au Vietnam et en Californie, de 1975 à 1980 

Avril 1975, Saïgon est en plein chaos. À l'abri d'une villa, entre deux whiskies, un général de l'armée du Sud Vietnam et son capitaine dressent la liste de ceux à qui ils vont délivrer le plus précieux des sésames : une place dans les derniers avions qui décollent encore de la ville. 
Mais ce que le général ignore, c'est que son capitaine est un agent double au service des communistes. Arrivé en Californie, tandis que le général et ses compatriotes exilés tentent de recréer un petit bout de Vietnam sous le soleil de L.A., notre homme observe et rend des comptes dans des lettres codées à son meilleur ami resté au pays. Dans ce microcosme où chacun soupçonne l'autre, notre homme lutte pour ne pas dévoiler sa véritable identité, parfois au prix de décisions aux conséquences dramatiques. Et face à cette femme dont il pourrait bien être amoureux, sa loyauté vacille… 

Mon avis : Le sympathisant se présente comme une tragédie grecque moderne sous la forme d'une confession. D'un ton pathétique (dans le sens littéral), cocasse au début, le récit tourne rapidement vers quelque chose de plus noir, débordant d'amertume. 
Le narrateur, dont on ne connaîtra jamais le nom, est un homme tiraillé en deux dans toutes ses caractéristiques. Fils d'une vietnamienne et d'un occidental, il est rejeté par les deux pays dans lesquels il va vivre. Agent double, capitaine d'une faction anti-communiste, il espionne pour le compte des vietcong. Soldat révolutionnaire, il est hanté par les morts des (plus ou moins) innocents dont il est à l'origine. Cette dualité se retrouve jusque dans ses amitiés, ses deux meilleurs amis avec qui il a fait un pacte de sang dans sa jeunesse, parmi les rares personnages à avoir un nom, sont les extrêmes opposés idéologiques ; Bon, le bon soldat sud-vietnamien qui effectue les ordres sans se poser de questions, poussé par la vengeance, Man l'intellectuel révolutionnaire, son supérieur direct dans la hiérarchie communiste.
Certains passages du roman sont l'occasion pour Viet Thanh Nguyen de critiquer les Etats-Unis. Celui sur le Film reprend ouvertement Apocalypse Now de Francis Ford Coppola et montre un tout autre visage de l'American way of life, beaucoup moins souriant. Vers la fin du récit, il nous rappelle les méthodes d'interrogatoire de la CIA, tous les moyens sont permis pour arriver à son but, n'est-ce pas ? C'est au final ce que dénonce ce livre avec tous ses personnages, la plupart sont sympathiques et pleins de bonnes intentions, mais dépassés par leurs croyances idéologiques ils se transforment ou bourreaux ou en victimes.

Un premier roman étonnant.



"Je suis un espion, une taupe, un agent secret, un homme au visage double."
Le sympathisant

vendredi 8 septembre 2017

Ainsi résonne l'écho infini des montagnes

Khaled Hosseini
10/18
EAN : 9782264063496
sorti le 2 octobre 2014
497 pages




Dans le village de Shadbaghh, Abdullah, dix ans, veille sur sa petite sœur Pari, trois ans. Entre les deux enfants, le lien est indéfectible,un amour si fort qu'il leur permet de supporter la disparition de leur mère,les absences de leur père en quête désespérée d'un travail et ces jours où la faim les tenaille. Mais un événement va venir distendre ce lien, un choix terrible qui modifiera a jamais le destin des deux jeunes vies, et de bien d'autres encore...

Mon avisAvec Ainsi résonne l’écho infini des montagnes, Khaled Hosseini nous fait voyager. Dans le monde d’abord, d’un petit village afghan à la Grèce, de San Francisco jusqu’à Paris. Dans le temps ensuite. Puis dans les sentiments humains, la vie telle qu’elle est, avec ses choix qui résonnent à l’infini.
À la façon d’un conteur, il tisse des liens ; un frère et une sœur dont la séparation va influer sur une multitude de vies. Une femme libérée, provocante à l’aube des talibans, mais prisonnière de son égoïsme. Un homme qui fuit par peur que la réalité ne soit trop différente de ce qu’il imagine. Et un autre, perdu dans sa loyauté pour deux pays que tout oppose. 
À travers ces voix, il nous parle d’amour, de famille, de culpabilité, de nostalgie... de toutes ces choses qui rendent la vie difficile. Il nous parle aussi de l’Histoire, des guerres, des exils. Simplement. Tout en lumière, en poésie et en sincérité. Car chacun des sentiments qu’il décrit dans son roman, Khaled Hosseini les a ressenti ; l’exilé qui revient sur sa terre natale en se sentant étranger, la culpabilité d’une existence privilégiée. Et c’est ce qui fait la force de ce texte, il est entraînant, émouvant, provocant mais lumineux. Il nous fait parcourir le monde dans l’espoir de découvrir alors que, finalement, l'individu est le même où qu’il soit.

Un roman-fleuve passionnant, qu’on referme le cœur au bord des lèvres.




Quand on a vécu aussi longtemps que moi, on constate que la cruauté et la bienveillance ne sont que des nuances d'une même couleur.
Ainsi résonne l'écho infini des montagnes

vendredi 1 septembre 2017

A l'est d'Eden

John Steinbeck
Le Livre de Poche
EAN : 9782253005971

sorti le 1 mars 2008
786 pages



Dans cette grande fresque, les personnages représentent le bien et le mal avec leurs rapports complexes. Adam, épris de calme, Charles, son demi-frère, dur et violent, Cathy, la femme d'Adam, un monstre camouflé derrière sa beauté, ses enfants les jumeaux Caleb et Aaron. En suivant de génération en génération les familles Trask et Hamilton, l'auteur nous raconte l'histoire de son pays, la vallée de la Salinas, en Californie du Nord. Pour cette oeuvre généreuse et attachante, John Steinbeck a reçu le prix Nobel de littérature.

Mon avis : A l'est d'Eden est en partie autobiographique, le narrateur (dont le nom est John Steinbeck, coïncidence ?) revient sur sa famille, son grand-père Samuel Hamilton jouant un grand rôle dans ce livre. Il narre, à travers ses histoires de famille, l'histoire de son pays, de sa vallée, depuis les premiers colons jusqu'à la Première Guerre mondiale, et ces passions contradictoires, amour et haine, violence et douceur, qui accablent l'être humain.
La force de ce roman, devenu un classique, tient dans sa portée philosophique et parabolique. Ce qui caractérise l'homme est sa capacité à choisir, c'est ce que nous révèle ce roman avec tous ses personnages. Certains  d'entre eux sont attachants, comme c'est le cas pour Lee, d'autres éveillent notre compassion. Malgré la violence qui se cache dans ces hommes et ces femmes, leurs vies nous bouleverse et nous les rend tous sympathiques. Et si Steinbeck n'est pas du tout manichéen, et qu'en somme j'ai passé un bon moment de lecture, je regrette tout de même que certains personnages, comme Cathy, soit aussi enfermés dans leurs idées, qu'on sache d'avance qu'il n'y aura aucun "bon" changement dans leur tempérament. Cependant, même eux, ont une personnalité approfondie qui les rend intéressants  et plus complexes qu'on ne les vois aux premiers abords.

Une réinterprétation de l'histoire de Caïn et d'Abel.




Nous n'avons qu'une histoire. Tous les romans, tous les poèmes, sont bâtis sur la lutte incessante que se livrent en nous-même le bien et le mal. Le mal doit être constamment ressuscité, alors que le bien, alors que la vertu sont immortels. Le vice offre toujours une visage frais et jeune, alors que la vertu est plus vénérable que tout au monde.
A l'est d'Eden

bilan d'août

Petite mise à jour des challenges : j'en suis maintenant à 65 livres lus sur les 50 du challenge goodreads, je me suis peut-être un peu sous-estimée sur ce coup-là...
Sinon, deux coups de cœur en un mois, je suis vraiment contente de mes lectures que j'ai toutes trouvées intéressantes ! Atypiques ou classiques, elles m'ont toutes fait passer un agréable moment et il me tarde de découvrir de nouvelles perles !

P.S. : Rendez-vous ce soir pour mon avis sur A l'est d'Eden.

Livre en cours
Cosmos de Michel Onfray

Livres lus
A l'est d'Eden de John Steinbeck
La promesse de l'aube de Romain Gary
La colère de Kurathi Amman de Meena Kandasami
Une histoire trop française de Fabrice Pliskin
Récits du vieux royaume de Jean-Philippe Jaworsky
Femmes et cinéma, sois belle et tais-toi de Brigitte Rollet
Neige de Maxence Fermine

Bilan des challenges
2869 pages lues
7 livres
dont 3 de la PAL 2016

Les petits nouveaux
Le sympathisant de Viet Thanh Nguyen
188 mètres sous Berlin de Magdalena Parys
Espace lointain de Jaroslav Melnik
Pyromane de Wojciech Chmielarz
Le dernier amour du lieutenant Petrescu de Vladimir Lortchenkov
Le Blues de La Harpie de Joe Meno
La colère de Kurathi Amman de Meena Kandasami
Une histoire trop française de Fabrice Pliskin

jeudi 24 août 2017

La colère de Kurathi Amman

Meena Kandasamy
Plon
EAN : 9782259249720

sort le 28 août 2017
272 pages



Merci aux éditions Plon et à Netgalley !

Se plaçant sous le patronage de l'irascible déesse Kurathi Amman, l'auteur revient sur une tuerie ayant fait quarante-quatre victimes, quarante ans auparavant, en Inde. Elle exhume ce massacre désormais oublié à travers des voix variées, des intouchables aux propriétaires terriens. Entre rage, lyrisme et humour grinçant, un aperçu des rouages ayant contribué à la naissance de l'Inde moderne.

Mon avis : Lire La colère de Kurathi Amman est un expérience saisissante. Meena Kandasamy joue avec les codes du roman, avec le lecteur, avec le temps. Son récit est tout sauf linéaire, un puzzle dont les pièces s'ajoutent progressivement dans nos esprits d'abord confus pour finalement présenter un tableau révoltant. Changeant, il passe de la critique teintée de cynisme à la narration du conte, du dialogue au lecteur à un monologue sous le joug du dictateur, de l'année 1968 à l'arrivée des blancs sur les terres indiennes. Son ton parfois agressif, empli d'une ironie acide, ne laisse pas indifférent, mais n'est-ce pas ce qu'il faut pour bien réfléchir au sujet qu'elle a décidé de nous faire découvrir ?
Le massacre de Kilvenmani, histoire politique où quarante-quatre personnes ("dont deux muettes") ont perdues la vie brûlées vives dans les maisons du cheri, est oublié moins de cinquante ans plus tard, inconnu même sur le Wikipédia français ! Si les romans sur les intouchables ne manquent pas, le talent de l'auteur, tout dans son écriture, fait de ce livre un incomparable. Plongés dans l'Histoire de l'Inde, nous en apprenons d'abord les hiérarchies, les coutumes dans le sens le plus vaste du mot, jusqu'à l'histoire littéraire indienne. Car rien n'arrive par hasard. La faute de ces Dalits ? Incités par le parti communiste, avoir réclamé une augmentation de leur "rémunération", un peu plus de riz pour pouvoir survivre. Être restés fidèles à leurs idées, penser qu'ils avaient eux aussi des droits. Récit à plusieurs voix, fiction ancrée dans la réalité, témoignages débordant de sincérité, nous en ressortons le cœur serré et la tête prête à exploser sous le poids des réflexions. Rien ne nous est épargné, autant sur le vif du sujet, la violence des propriétaires terriens et leur domination sur les autres habitants quels qu’ils soient, que la réflexion sur le monde littéraire qui remonte en surface au fil des passages (au passage, respect pour la partie sur la traduction !).

Un roman expérimental où le lecteur tient la première place, un gros coup de cœur !



"Les morts ne parlent pas et ils ne crient pas dans les réunions publiques"
La colère de Kurathi Amman

vendredi 18 août 2017

Une histoire trop française

Fabrice Pliskin

Fayard

EAN : 9782213705071

sort le 23 août 2017
350 pages




Merci aux éditions Fayard et à Netgalley !

PDG d’une entreprise exemplaire où les employés sont heureux, Jean Jodelle est un patron prospère et offensif. Un million de femmes dans le monde porte les implants mammaires que fabrique sa société. Critique littéraire au chômage, Louis Glomot est assez pessimiste quant à son avenir professionnel. Louis et Jean se sont bien connus au lycée. Ils partageaient un même amour de la littérature que Jean cultive en envoyant chaque matin à ses cent vingt salariés un poème de La Fontaine ou de Rimbaud. Lorsque les deux anciens condisciples se recroisent par hasard au Jardin des Plantes, Louis ne peut s’empêcher d’y voir une opportunité inespérée. Louis se retrouve à travailler pour Jean. Mais qu’est-ce qu’un ex-critique littéraire pourrait bien faire dans une entreprise qui produit cent mille implants mammaires par an ? Sinon découvrir derrière la façade humaniste – hauts salaires, horaires souples, congé maternité de 28 semaines et crèche d’entreprise… – une réalité sordide qui va déclencher le scandale mondial des prothèses Jodelle.

Mon avis : Dans Une histoire trop française, on se retrouve au beau milieu d'une escroquerie industrielle. Producteurs de prothèses mammaires non homologuées, dangereuses pour leurs clientes, les salariés de Jodelle Implants sont accablés par la culpabilité mais pas au point de mettre en péril une société où leurs avantages sociaux sont tellement au-dessus de la norme... Alors, sous couvert d'humanisme, l'hypocrisie et l'égocentrisme sont en terrain conquis. Et lorsque Louis arrive dans l'entreprise, il n'est pas tellement différent des autres. La même envie de changer ce système lui reste dans la tête mais sans que ce "grand bien" ne franchisse la barrière de son égoïsme ; comme les autres, il a une famille à faire vivre, et deux pensions alimentaires à verser ça coûte cher ! Louis n'est pas un personnage auquel on s'identifie, il est plutôt le "loser" auquel on ne veut absolument pas ressembler.
Ainsi, Fabrice Pliskin nous dépeint une société individualiste et tous les maux qui la tourmente : racisme, insécurité de l'emploi, atonie des organismes de contrôle... Traité avec beaucoup d'ironie et des scènes cocasses, ce livre n'en est pas moins un sujet brûlant à ne pas lire avec légèreté. Même si il ne faut pas le prendre au premier degré, l'affaire principale reprend le scandale des prothèses mammaires PIP et je ne suis pas sûre que le ton utilisé plaise aux milliers de femmes victimes de cette escroquerie...

Une histoire dramatique menée avec humour.





"Solidarité dans la faute, solidarité dans la fraude."
Une histoire trop française

samedi 12 août 2017

Récits du Vieux Royaume

Jean-Philippe JaworskiFolio SFEAN : 9782070463633

Sorti le 5 juin 2015
1150 pages



Entrez dans le Vieux Royaume. De Montefellóne à Ciudalia en passant par Bourg-Preux, venez en découvrir les mystères. Et si vous croisez un certain Benvenuto : tremblez !

Mon avis : Les récits du Vieux Royaume regroupe le recueil de nouvelles Janua Vera et le roman Gagner la guerre aillant lieu dans le même univers. Le premier ne m’a pas accroché ; mon intérêt pour les récits s’amenuisaient avec les pages passées, j’avais l’impression de tourner en rond pour la plupart des nouvelles. J’ai  néanmoins beaucoup aimé Mauvaise donne, qui introduit Gagner la guerre et la plupart des personnages qu’on y trouvera. Le fait qu’on fasse connaissance avec quelques uns des personnages, plus ou moins importants, du roman m’a beaucoup plu (coincidence ?)… à la réflexion, je ne regrette pas d’avoir lu le recueil puisqu’il m’a permis d’encore plus apprécier Gagner la guerre et m’a donné une idée du travail fourni par Jean-Philippe Jaworski.  
Si je n’ai pas été emportée par Janua Vera, j’ai vraiment adoré Gagner la guerre ! Je ne peux malheureusement pas en dire trop sur l’histoire en elle-même sans craindre de vous spoiler, mais il y aura de la manipulation - beaucoup de manipulation, des trahisons, du sang, des boyaux et des viscères au sol (oui, ça reste la guerre quand même !), mais aussi des elfes fanfarons, un voyage à travers les contrées du Vieux Royaume et au-delà (mais pas vraiment pour sauver le monde…) et de belles amitiés emplies de confiance (ou pas).
On se retrouve donc aux côtés de don Benvenuto Gesufal, membre de la guilde assassine des Chuchoteurs, « main droite »secrète du Podestat Ducatore, aussi précis avec une lame que sa langue est acérée. Son langage joliment fleuri donne beaucoup de dynamisme à la narration des différentes manigances politiques présentes à Ciudalia, l’action est au rendez-vous et don Benvenuto jamais bien loin… à croire que ses péripéties successives ne sont qu’autant d’embuches perverses contre votre serviteur ! Les fréquentes remarques que le tueur lance au lecteur tout au long du bouquin font que finalement on s’y attache à ce bougre d’imbécile (je rigole, il est plutôt malin en fait !) et que si lui prend la mort avec un sourire de crapule, nous on aurait plutôt tendance à en frissonner.

Un roman remarquable, tant par le style que par l’intrigue, dont on ne peut arrêter de tourner les pages !





Des nuées de mouches obscurcissaient l'air, des colonies de rats grouillent au bas des façades.On entend parfois, derrière le mur d'un boucher, les beuglements d'une bête qui sent la mort. Arrivé là, je m’arrête. Je hume à plein poumons l'odeur de viande, de crasse, de merde. Je me ressource. Je suis chez moi.
Je m'appelle Benvenuto. C'est un prénom qui me va mal. Je suis tueur à gages.

Mauvaise donne

mercredi 2 août 2017

Neige

Maxence Fermine
Editions Points
EAN : 9782020385800

sorti le 12 janvier 2001
96 pages


"C'était une nuit de pleine lune, on y voyait comme en plein jour. Une armée de nuages aussi cotonneux que des flocons vint masquer le ciel. Ils étaient des milliers de guerriers blancs à prendre possession du ciel. C'était l'armée de la neige."

Au Japon, à la fin du XIXè siècle, le jeune Yuko s'adonne à l'art difficile du haïku. Désireux de perfectionner son art, il traverse les Alpes japonaises pour rencontrer un maître. Les deux hommes vont alors nouer une relation étrange, où flotte l'image obsédante d'une femme disparue dans les neiges.

Mon avis : Après avoir lu Zen de Maxence Fermine, j'étais très curieuse de découvrir son premier roman, Neige. On y trouve déjà la tranquillité et le charme, le lyrisme épuré de cet auteur.
Le roman narre l'histoire de Yuko, passionné de neige et de haïku. Bien qu'il soit un poète hors pair, et ce malgré son jeune âge, dont la renommée a atteint les oreilles impériales, sa poésie manque de couleurs pour être vraiment parfaite. Il décide donc de partir perfectionner son art aux côtés du grand maître Soseki. Mais les deux hommes partagent plus que l'art.
Ce qui m'a beaucoup surprise, c'est la relation que j'ai eue avec ces deux personnages ; Zen m'avait laissée distante alors que je me suis vraiment sentie proche d'eux dans Neige. C'est touchant, une ode à la vie. Finalement, la poésie n'est qu'un moyen d'arriver à la beauté, à la pureté, de décrire ce qu'on ressent jusqu'à ce que les mots ne soient plus nécessaires... Encore une fois, Maxence Fermine nous entraîne doucement à regarder le monde dans toute sa splendeur, son éphémérité.

Un roman plus près du conte, doux et apaisant, empli de sensualité et de sagesse.




"La neige est un poème. Un poème qui tombe des nuages en flocons blancs et légers."
Neige

mardi 1 août 2017

bilan de juillet

Wahou, je suis plutôt surprise au moment d'écrire ces lignes... 20 livres lus ce mois-ci (okay, la moitié c'est des manga mais ils font plus de 400 pages donc ça reste long à lire !) et juste une (GROSSE) déception ! Pas mal, je trouve.
Et même au niveau des petits nouveaux, je suis plutôt fière de ne pas trop avoir craqué. Mention spéciale pour les deux Varesi qui viennent de rejoindre ma bibliothèque, ceux qui me connaissent savent que j'ai un problème avec les éditions Agullo qui me rendent un peu folle (dans le bon sens du terme).
Alors voilà, je m'arrête ici et je vous laisse découvrir tous ces merveilleux livres (oui oui) et n'hésitez pas à dire ce que vous en pensez !

Livre en cours
Récits du vieux royaume de Jean-Philippe Jaworsky

Livres lus
Dune de Frank Herbert
Bagdad, la grande évasion ! de Saad Z. Hossain
Au secours ! Les mots m'ont mangé de Bernard Pivot
En attendant Bojangles d'Olivier Bourdeaut
L'organisation de Maria Galina
La maison des épreuves de Jason Hrivnak
La Destinée,la Mort et moi, comment j'ai conjuré le sort de S.G. Brown
Breakfast at Tiffany's de Truman Capote
20th century boys, 1 à 12 de Naoki Urasawa

Bilan des challenges
2585 pages lues
20 livres
dont 3 de la PAL 2016

Les petits nouveaux
Kafka sur le rivage de Haruki Murakami
Neige de Maxence Fermine
Karoo de Steve Tesich
La vérité sur l'affaire Harry Québert de Joël Dicker
La pension de la via Saffi de Valerio Varesi
Le fleuve des brumes de Valerio Varesi

mercredi 26 juillet 2017

Bagdad, la grande évasion !

Saad Z. Hossain
Agullo éditions
EAN : 9791095718222

sorti le 13 avril 2017
384 pages


Prenez une ville ravagée par la guerre : Bagdad, 2004.
Prenez deux types ordinaires qui tentent de survivre ; ajoutez un ex-tortionnaire qui veut sauver sa peau, un trésor enfoui dans le désert, un GI bouffon mais pas si con.
Incorporez un fanatique religieux psychopathe, un alchimiste mégalo, une Furie et le gardien d'un secret druze.
Versez une quête millénaire dans un chaos meurtrier chauffé à blanc ; relevez avec sunnites, chiites, mercenaires divers et armée américaine.
Assaisonnez de dialogues sarcastiques et servez avec une bonne dose d'absurde.

Mon avis : Le roman se déroule à Bagdad pendant la guerre du Golfe. Deux hommes tentent de survivre, comme ils le peuvent. Le premier, Kinza, est un délinquant qui n'a pas froid aux yeux, le deuxième, Dagr, un ancien professeur, moins lâche qu'il ne semble lui-même le penser. La grande aventure commence lorsqu'ils décident de partir à la recherche d'un trésor secret d'après les informations de leur otage, un ex-tortionnaire du régime. Pour cela, ils sont aidés d'un GI bouffon mais pas si con, comme le dit si bien le résumé, mais leur méthode de survie les  mène rapidement à se mettre à dos les plus puissants adversaires. Sans compter qu'ils ont récupéré une mystérieuse montre, qui ne donne pas l'heure mais attire les convoitises... Le lecteur se retrouve ainsi au milieu d'une guerre des factions, de conflits politiques, culturels et religieux, où s'enchaînent des situations plus absurdes les unes que les autres.
Saad Z. Hossain dénonce ici une guerre insensée avec beaucoup d'humour, des combats débordant de violence et de réalisme, et le tout en vulgarisant les différentes factions et leurs complexités. Les personnages sont complètement fous, prêts à tout puisque, pour la plupart, ils ont déjà tout perdu... Et les dialogues entre eux sont hauts en couleurs, cyniques, impossible de s'ennuyer, les scènes se succèdent en un rythme effréné, à couper le souffle. Ce livre est une petite merveille, totalement barré !

Un récit original où la démesure tient la première place, où se côtoient émotion, humour, philosophie et action.




"Il devrait avoir un procès.
- Par la corde ou par les armes ?
- Un procès équitable.
- De quoi tu parles, merde ?"
Bagdad, la grande évasion

dimanche 23 juillet 2017

Au secours ! Les mots m'ont mangé

Bernard Pivot
Allary Editions
EAN : 9782370730893

sorti le 7 avril 2016
101 pages



Ecrit par admiration des écrivains, dit sur scène par son auteur, ce texte est une déclaration d'amour fou à notre langue. Bernard Pivot y raconte la vie d'un homme qui, malgré ses succès de romancier - invitation à Apostrophes, consécration au Goncourt -, a toujours eu l'impression d'être mangé par les mots. Leur jouet plutôt que leur maître. Un hommage malicieux, inventif et drôle aux hôtes du dictionnaire.

Mon avis : Ayant l'impression, comme le dit Bernard Pivot, que "ce sont les mots qui nous grignotent, [...] les livres qui nous avalent" et non pas l'inverse, j'étais curieuse de lire Au secours ! Les mots m'ont mangé. Et je dois avouer que je suis ressortie assez déçue de ma lecture.
Tout d'abord, si le sujet m'intéressait en lui-même, une fois passé sous la plume de Pivot je l'ai trouvé creux, manquant de substance. L'écrivain raconte sa relation aux mots mais en passant à côté du sujet, comme si ce thème ne lui servait qu'à raconter sa vie (fictive) et à remplir son livre de jeux de mots, justement. Ce point-ci est amusant, on réfléchit sur les sens des mots, la difficulté de la langue française, mais en restant en surface et je trouve ça dommage ; on en apprend plus sur la vie d'écrivain, le monde littéraire que sur les mots en eux-même.
Le deuxième point qui m'a déplu, mais sans que ça ait un véritable impact sur ma lecture je pense, est l'écriture. En général simple, accessible, avec beaucoup d'humour et de finesse, l'auteur utilise parfois du vocabulaire décalé avec le style qu'il prend pour narrer, ce qui donne l'impression qu'il se fait mousser. Et c'est bien là le principal problème que j'ai eu avec ce livre ; j'ai trouvé le narrateur terriblement antipathique, trop prétentieux et débordant de fausse modestie.

Un livre drôle qui joue sur les mots, mais attention à l'ego surdimensionné.




"Les écrivains ne sont que des tigres de papier."
Au secours ! Les mots m'ont mangé

vendredi 14 juillet 2017

La maison des épreuves

Jason Hrivnak
Editions de l'Ogre
EAN : 9791093606538

sorti le 5 janvier 2017
144 pages



"Le test commençait avec les deux amoureux assis face à face, par terre, chacun armé d'un couteau et chacun relié par intraveineuse à une réserve illimitée de sang d'un groupe sanguin spécifique. A un signal, chacun devait trancher la carotide de l'autre. L'idée du test consistait à se regarder dans les yeux le plus longtemps possible. La réserve de sang devait leur permettre en théorie de perdre leur sang indéfiniment,mais à l'instant où l'un d'eux cessait de regarder l'autre,la transfusion s'arrêtait et les deux sujets mouraient. Je précisais que par la suite un obélisque en pierre rouge devrait être dressé à l'endroit où avait eu lieu l'épreuve [...] Je prévoyais un monde jonché de ces étranges monuments rouges, offerts à l'admiration des êtres solitaires qui ignoraient l'amour, et comme autant d'insultes aux parents endeuillés."

Mon avis : Lorsque le narrateur apprend que Fiona, son unique amie d'enfance, avait gardé sur elle la page déchirée du test des amoureux quand elle s'est suicidée, il décide de terminer leur projet de Maison des épreuves. Ce délire de jeunesse lui semble être la solution, tardive, à la mort de Fiona ; si ils l'avaient fini plus tôt peut-être serait-elle toujours de ce monde. Un dernier acte d'amour, tout ce qu'il y a de plus morbide, pour prouver l'existence de la jeune femme dans sa vie.
Cette explication est donnée lors de la scène d'exposition, une trentaine de pages, avant que le style ne change radicalement. Les trois sections suivantes sont des tests, non sans rappeler ces livres dont vous êtes le héros à la différence près que quelque soit nos choix la lecture reste linéaire. Une situation amène à la suivante, peut importe ce que l'on ait décidé. Les tableaux s'enchaînent, oniriques et dérangeants. On retrouve un point de vue d'enfant, la beauté et la cruauté de la vie teintées d'une innocence morbide, mais écrit par un adulte hanté par ses souvenirs. Les personnages, Fiona et le narrateur, sont facilement reconnaissables dans les situations imaginées, où l'amour qu'ils ressentent à quelque chose de malsain tout en ayant une pureté idéalisée pour des êtres plongés dans leur propre univers. Et pourtant, aucun nom, aucune description ne prouvent leur existence au sein des ces pages et ces situations pourraient tout aussi bien nous arriver. D'ailleurs, le lecteur devient finalement le protagoniste de ces épreuves.
L'écriture de ce livre tout comme l'originalité de son sujet peuvent plaire ou déplaire. Je suis personnellement ressortie de ma lecture mitigée car très mal à l'aise, une chose est sûre c'est que ce n'est pas un ouvrage agréable à lire. Mais je ne pense pas que ce soit son but et juste pour la façon dont il nous fait regarder d'une nouvelle manière le monde qui nous entoure, l'expérience qu'il nous fait vivre, il mérite d'être connu et expérimenté.

Un labyrinthe cauchemardesque dont on ne peut ressortir indemne.




"Telle était l'économie de base du Terrain d'essai : la torture en échange d'un aperçu de ce que le cœur désirait. Nous concevions des épreuves dans lesquelles des garçons laids se faisaient aimer de jolies filles en se brisant les pieds avec un marteau."
La Maison des épreuves

dimanche 9 juillet 2017

Breakfast at Tiffany's

Truman Capote
Penguin Books
EAN : 9780141182797
sorti en 2000
160 pages


Holly Golightly adore traîner chez Tiffany, parce que tout y est beau. Holly au pas léger, gracile comme un songe, comme une Audrey Hepburn moulée dans une robe noire devenue légendaire, traverse l'existence telle un chat qui, n'ayant pas de nom  s'en invente un.
De son passé de Lulamae, il lui reste pourtant quelque chose de plus profond que la frivolité qu'elle affiche avec impertinence, une absence de lest qui conduit à une existence de courants d'air.
Jusqu'au jour où, des années après la disparition de la gosse, une photo vient raviver le souvenir de sa voix rauque et de sa silhouette de vent dans la mémoire du narrateur, qui lui fournira un hommage littéraire en guise de racines.

Mon avis : Ce livre comprend quatre nouvelles dont le point commun sont des personnages aux vies difficiles racontées avec beaucoup de tendresse et de sensibilité.
La première nouvelle, qui donne son titre au recueil, raconte la vie de la jeune Holly Golightly à travers les souvenirs qu'en a le narrateur. C'est la nouvelle que j'ai préférée car Truman Capote a vraiment réussi à faire un personnage d'une force surprenante pour un nombre de pages si court : foncièrement indépendante, un peu folle, elle a un tempérament de feu, peu courant pour son époque, et croque la vie à pleines dents. Mais au-delà de cette facette se cache une jeune femme profondément blessée et extrêmement fragile.
La deuxième nouvelle, "House of flowers", narre le coup de foudre puis l'union d'une jolie prostituée avec un homme venu des montagnes. Elle sacrifie la vie facile qu'elle avait en ville pour vivre son amour et son rêve malgré toutes les peines que cela impose.
Dans "A diamond guitar", on suit l'amitié de deux prisonniers, un vieil homme condamné à quatre-vingt-dix-neuf ans et un jour de prison et un jeune délinquant plein d'imagination qui décide de les faire s'évader.
"A Christmas memory" est la deuxième nouvelle qui m'a le plus touchée. Une vieille femme et un enfant sont liés d'une forte amitié, et malgré leur séparation forcée, les souvenirs de Noël et de leur tendre complicité ne seront jamais oubliés.
Si les personnages sont de caractères différents dans ces quatre textes, ils jouent tous d'un attrait, d'un charme irrésistibles, renforcés par la vision poétique et subtile qu'en donne Truman Capote. Ils mènent leurs vies comme ils l'entendent, la tête remplie de rêves qu'ils partagent sans le vouloir avec ceux qui les approchent.

Des nouvelles superbes, pleines de nostalgie et de lumière.




"I don't want to own anything until I find a place where me and things go together."
Breakfast at Tiffany's

samedi 1 juillet 2017

Bilan de juin

Ce mois-ci, je suis un peu déçue, pas des livres qui ont tous été de géniales découvertes, mais j'ai eu l'impression de ne pas avoir le temps de lire et ça m'a un peu - beaucoup - dérangé. Pareil, désolé pour les avis complètement irréguliers, j'ai eu quelques soucis avec Internet (deux semaines sans pour être précise...) qui m'ont empêché de poster mes billets...
Mais bon, je ne dois pas me plaindre ; j'ai de nouveau plein de livres à réussir à placer dans ma bibliothèque, et j'ai pu assister à une soirée organisée par les éditions Zulma... et ça, c'est que du bonheur !

Livres lus
L'univers en folie de Fredric Brown
"Galaxies identitaires", Apulée n°1
Rosa Candida de Audur Ava Olafsdotir
Loin de Damas de Omar Youssef Souleimane
Invitation au japonais de Colette Batsch et Jean Mathieu
Les aventures de Nick Adams de Ernest Hemingway
Prime Time de Jay Martel

Bilan des challenges
2213 pages lues
7 livres
dont 3 de la PAL 2016

Les petits nouveaux
Krabi de Park Hyoung-su
L'étoile Absinthe de Jacques Stephen Alexis
Loin de Damas de Omar Youssef Souleimane
Les aventures de Nick Adams de Ernest Hemingway
ノルウェイの森 (La balade de l'impossible) de Haruki Murakami

vendredi 30 juin 2017

L'univers en folie

Fredric Brown
Editions Denoël
EAN : 2782207501207

sorti le 6 septembre 1995
260 pages


10 juin 1954. Première tentative de lancement d'une fusée dans la Lune. Et c'est l'échec. La fusée retombe dans les Catskill. Si près d'un journaliste, comme par hasard directeur d'une revue de SF, qu'il est désintégré... et réintégré dans un univers parallèle.
Commence alors pour le malheureux la plus extravagante des aventures. Pris pour un espion d'Arcturus, il ne doit son salut qu'à sa familiarité avec la science-fiction. Mais c'est quand même dur de rencontrer votre double installé dans votre appartement, de voir votre petite amie fiancée à un autre, et de découvrir que les machines à coudre peuvent ouvrir la voie de l'hyperespace...

Mon avis : Pour redonner un peu le contexte de l'écriture, L'univers en folie date de 1949, en pleine Guerre Froide, le lancement (réussi) d'une fusée pour la Lune n'a eu lieu que vingt ans plus tard...
Donc, déjà, au niveau de la science-fiction Fredric Brown a eu un coup de génie. Son récit est logique, tout en ayant un univers original et complètement décalé. Keith Winton, son personnage principal, se retrouve dans un univers qui ressemble au sien (au nôtre aussi) à quelques détails près : la maison de campagne de son éditeur a disparu, des monstres pourpres se baladent en ville comme la chose la plus naturelle du monde, une épaisse brume couvre New-York la nuit tombée... Et si il ne s'agissait que de ça ! Le pauvre rédacteur en chef accumule les gaffes, mettant sa vie en danger, pour le plus grand plaisir des lecteurs qui attendent avec impatience le prochain obstacle sur son chemin. Débordant d'inventivité et vraiment drôle, j'ai hâte de me replonger dans l'univers fou de Fredric Brown !

Traité avec beaucoup d'humour, jouant avec les clichés, ce livre sans prétention nous fait passer un agréable moment. Impossible de le lâcher !




"Les Martiens avaient eu l'idée, somme toute ridicule, de refuser toute forme de colonisation. Leur civilisation était aussi développée que la nôtre, à ceci près qu'ils n'avaient pas découvert la navigation interplanétaire - sans doute parce que, ne portant pas de vêtements, ils ignoraient tout des machines à coudre."
L'univers en folie

dimanche 25 juin 2017

Rosa Candida

Audur Ava Olafsdottir
Editions Zulma
EAN : 9782843045219

sorti le 19 août 2010
333 pages


Le jeune Arnljotur va quitter la maison, son frère jumeau autiste, son vieux père octogénaire, et les paysages crépusculaires de laves couvertes de lichen. Sa mère a eu un accident de voiture. Mourante dans le tas de ferraille, elle a trouvé la force de téléphoner aux siens et de donner quelques tranquilles recommandations à son fils qui aura écouté sans s'en rendre compte les dernières paroles d'une mère adorée. Un lien les unissait : le jardin et la serre où elle cultivait une variété rare de Rosa candida à huit pétales. C'est là qu'Arnljotur aura aimé Anna, une amie d'un ami, un petit bout de nuit, et l'aura mise innocemment enceinte. En route pour une ancienne roseraie du continent, avec dans ses bagages deux ou trois boutures de Rosa candida, Arnljotur part sans le savoir à la rencontre d'Anna et de sa petite fille là-bas, dans un autre éden, oublié du monde et gardé par un moine cinéphile.

Mon avis : Pour être honnête, les mots me manquent pour ce livre. Si je devais le résumer, je dirais que c'est un petit moment de douceur, un instant d'évasion. Lorsque Arnljotur quitte le foyer aimant où il a grandi, il cherche à se retrouver, à se comprendre lui-même. Tout se bouscule dans sa tête, mille pensées existentielles assaillent ses journées, c'est beau, triste, apaisant. On voyage avec lui à l'autre bout du monde, pour se perdre nous aussi dans les parterres de roses, la beauté dans sa simplicité. Rosa candida est infiniment poétique, calme et suivre ce personnage dans sa quête initiatique nous permet de nous redécouvrir en même temps qu'on le découvre lui. J'ai vraiment tout aimé dans ce livre, les paysages merveilleux, les rencontres magnifiques, la famille débordant d'amour, les sentiments simples et pourtant si forts... Les mots ne sont plus suffisants pour décrire un tel moment de bonheur.

Ce livre est un petit bijou.



"Ceux qui arrivent à entrer un court instant dans la vie des autres peuvent avoir plus d'importance que ceux qui y sont installés depuis des années."
Rosa Candida

Les aventures de Nick Adams

Ernest Hemingway
Folio
EAN : 9782072723506

sorti le 11 mai 2017
360 pages

Merci aux éditions Folio et à Livraddict pour ce livre.

Dans les années 1920, un jeune homme attachant apparaît dans des nouvelles éparses sous la plume d'Ernest Hemingway : Nick Adams. Pendant une dizaine d'années, le romancier américain conta ses mésaventures d'enfance dans le Michigan, relata son expérience de la guerre, partagea des instants de sa vie de couple. Rassemblés ici dans l'ordre chronologique de la vie de Nick et augmentées de fragments retrouvés dans les papiers de l'auteur, ces nouvelles font apparaître avec netteté ce qui était en jeu pour Hemingway : une autobiographie romancées en morceaux, le tableau éclaté d'une vie.

Mon avis : J'avais déjà lu un roman de Hemingway, j'étais donc très contente de pouvoir me replonger dans son écriture. Les aventures de Nick Adams ont vraiment été une belle découverte pour moi : on y retrouve son univers, plein de forêts, de lacs, grâce à cette autobiographie romancée qui éveille la curiosité puisque, jusqu'à la fin du livre, on ne sait pas ce qui concerne véritablement l'auteur et ce qui n'est "que" inventé. Sur ce point, les éditions aident le lecteur avec des notes de bas de page, débrouillant un peu le puzzle, juste assez pour susciter l'intérêt mais laissant tout de même un flou qui nous empêche de reposer le livre.
Les vingt-quatre nouvelles qui composent ce recueil ont des thèmes très différents, des atmosphères très différentes. On suit Nick Adams pendant certaines périodes de sa vie, enfant ivre de liberté, adulte plus grave dû à tous ce qu'il a vu et vécu. L'écriture de Hemingway permet de vraiment rentrer dans le contexte de cette époque, elle est simple mais argotique, débordant de sensibilité, ce qui rend ses textes dynamiques même si on ressent parfois une certaine distance avec ses personnages.

Un hymne à la nature, à la simplicité, à la liberté à travers des épisodes réalistes mais où le mystère continue de planer.



"La seule écriture valable, c'est celle qu'on invente, celle qu'on imagine. C'est ça qui rend les choses réelles."
Les aventures de Nick Adams

samedi 3 juin 2017

Prime Time

Jay Martel
éditions 10/18
EAN : 9782264068071

sorti le 7 juillet 2016
473 pages

Scénariste raté et enseignant usé, Perry Bunt rêve d'Amanda. Mais Amanda a un secret : Galaxy Entertainment. Les Terriens sont les stars idiotes de l'émission de téléréalité la plus populaire du cosmos ! Sauf que l'audience est en berne, la production arrête le show, mais en beauté, sur un dernier épisode fou : la fin du monde. Un homme peut encore sauver la planète : Perry Bunt.

Mon avis : Prime Time allie science-fiction et humour décalé, un peu dans le même genre que Douglas Adams. Ici, Jay Martel tourne tout ce qui caractérise l'être humain en dérision ; la guerre, la religion, la culture de masse, cette morale ambivalente... Et finalement, si la Terre ne risque pas d'être détruite pour construire une autoroute intergalactique, les thèmes du divertissement et du tourisme sont bien présents avec ce même objectif, ce qui pour moi rapproche d'autant plus ces deux livres.
Les personnages sont attachants grâce à leurs défauts, leur maladresse et cet espoir qu'ils gardent (presque) quelque soit la situation. Perry Bunt a foi en l'humanité, et Amanda Mundo a foi en Perry Bunt. Le duo va ainsi essayer de rendre les hommes meilleurs pour éviter la destruction de la planète. Tout ne se passera pas comme prévu, du point de vue de Perry en tout cas, ce qui n'est pas non plus pour nous déplaire... Nous ne sommes pas si différents des Edenites au final. Mais ce que nous offre ce roman en définitive c'est le recul nécessaire pour mieux comprendre ce qui fait le charme de la Terre et de ses habitants.

Une lecture loufoque, une intrigue originale : le must du divertissement !




"Le pays peut bien s'enfoncer dans l'ignorance et dans l'apathie, la Terre peut bien se consumer dans ses propres émanations, l'expansion de l'univers peut bien se résoudre dans le néant, tout ce qu'on veut savoir c'est : qu'est-ce qu'il y a ce soir à la télé ?"
Prime Time

jeudi 1 juin 2017

Bilan de mai

Ce mois-ci, pour cause d'examens, j'ai du ralentir ma lecture de romans... Je me suis bien rattrapée en fin de mois, mais les comics que je devais rendre à mon gentil petit frère m'ont aidée à tenir jusque là ! Tous les livres m'ont plût, à différents degrés (le premier de la liste étant Spada) et j'ai ainsi pu vider un peu plus ma PàL 2016.
Très peu de "petits nouveaux" pour une fois, un seul, en fait, qui m'a été offert... Il est temps que je lise enfin ceux qui attendent dans ma bibliothèque ! (dit-elle alors que deux réservations l'attendent en librairie, et que ce ne sont certainement pas les seuls qui viendront s'ajouter aux piles envahissant son appartement...)
Donc voilà, un mois placé sous le signe de la raison... à peu près.

En cours
Prime Time de Jay Martel

Livres lus
L'épée de vérité : La première leçon du sorcier de Terry Goodkind
Vies minuscules de Pierre Michon
Joker de Lee Bermejo et Brian Azzarello
Killing Joke de Alan Moore
Ainsi parlait Zarathoustra de Nietzsche
Arkham Asylum de Dave McKean et Grant Morrison
Batman : Sombre Reflet 2 de Scoot Snider, Jock et Fransesco Francavilla
Batman : Sombre Reflet 1 de Scoot Snider, Jock et Fransesco Francavilla
Spada de Bogdan Teodorescu
Arca de Romain Bennasaya

Bilan des challenges
2430 pages lues
10  livres
dont 4 de la PAL 2016

Les petits nouveaux
Lettres d'Ogura de Hubert Delahaye

vendredi 26 mai 2017

Vies minuscules

Pierre Michon
Folio
EAN : 9782070401185

sorti le 26 novembre 1996
248 pages


Huit vies. Huit noms, à peine écrits en titre des chapitres, déjà tombés en désuétude. Pierre Michon pénètre les vies de ses ancêtres, anodines, infimes, parcellaires : minuscules. Malgré ou à cause de l'insuffisance des existences, l'écrivain défriche, le temps de l'écriture, ces vains terrains vagues qu'envahissent à nouveau les mauvaises herbes de l'insipide dès la plume reposée.

Mon avis : A l'aide de ses souvenirs, Pierre Michon nous raconte l'Ecriture. Chaque personne qu'il nous présente ici nous rapproche de lui, de celui qu'il a été, de celui qu'il a pensé être. On le suit enfant traînant dans les jupes de sa mère à écrivain depuis toujours oublié par l'Inspiration. Dans Vies minuscules, finalement on découvre un auteur en même temps que les protagonistes de ses récits, dur avec ses proches et pourtant émouvant, homme entouré mais seul, obsédé par la mort et ses anges.
Les images font le charme de ce livre, mais l'écriture précieuse, dense, de Pierre Michon peut aussi bien être un frein à la lecture. On ne peut pas dire que son style n'est pas recherché ; la métaphysique cède la place à l'argot provençal, les mots chantent et montrent des époques révolues, mais les pages d'une phrase (et j'exagère à peine !) peuvent rendre certains moments très longs... L'autre risque en lisant ce livre est de se perdre dans l'écriture si particulière de Pierre Michon, pour la beauté de ses mots, et d'en oublier le sens. 

Un livre touchant, sur l'écriture, la vie et ses rescapés.




"Le sel des heures se dilue, et dans l'agonie du passé qui commence, l'avenir se lève et aussitôt se met à courir."
Vies minuscules

dimanche 21 mai 2017

Spada

Bogdan Teodorescu
Agullo éditions
EAN : 9791095718086

sorti le 12 mai 2016
320 pages


Un petit truand est retrouvé égorgé dans les rues de Bucarest. Quand un deuxième voyou, puis un troisième sont assassinés, il devient clair qu'un meurtrier en série sévit dans la capitale roumaine. Ses victimes ont toutes le même profil : elles sont roms et possèdent un casier judiciaire...

Mon avis : Ce livre commence comme un roman policier. La Mouche, un joueur, Tzigane, de bonneteau est égorgé dans les rues de Bucarest. Puis c'est le tour d'un proxénète, Tzigane lui aussi, et d'un trafiquant... La presse s'empare de ces affaires, "Des délinquant roms tués par un mystérieux tueur en série ; Poignard". Mais finalement, l'enquête passe au deuxième plan, on la suit à travers les stratégies politiques et médiatiques pour se focaliser sur un sujet d'actualité : les conflits interethniques.
J'ai beaucoup aimé le choix des points de vue dans ce livre qui, pour moi, lui donnent toute son originalité. L'Etat roumain fait des choix, pas souvent les bons, ils sont dans une situation incontrôlable, qui se révélera toujours mauvaise pour eux quelles que soient leurs décisions. A l'aube de nouvelles élections présidentielles, les politiciens au pouvoir se retrouvent avec des conflits intérieurs et extérieurs, incapables de calmer les choses et tentant de ne pas perdre trop de votes alors que la situation est chaotique. D'un autre côté, la presse crie au complot, envenime la situation qui est déjà loin d'en avoir besoin, attisant la rage de la population roumaine contre les minorités roms. Et le lecteur se retrouve emporté de ce tourbillon de folie et de manipulation, où un fait divers est devenu un enjeu politique majeur, où une bataille politique se règle à coups de communication, et où la guerre civile n'est pas bien loin...

D'une écriture mordante avec un humour corrosif, Bogdan Teodorescu nous présente une Roumanie à travers ses échanges politiques, médiatiques et policiers.

"Je sais que vous ne nous aimez pas. Pour vous, nous sommes des Tziganes, un point c'est tout. Je vois ça dans vos regards, tous les jours. Peu importe que j'aie fait des études, que je sois docteur ès sciences, que je sois marié et que j'aie trois enfants, que j'aie fait mon service militaire, que je paie mes impôts à l'Etat. Je reste un Tzigane. Et pour vous, c'est une tare."
Spada

samedi 13 mai 2017

L'étrangleur d'Edimbourg

Ian Rankin
Le Livre de poche
EAN : 9782253090557

sorti le 1 juin 2007
285 pages


Des fillettes d'une dizaine d'années se font enlever et étrangler dans la ville d'Edimbourg. L'inspecteur adjoint Rebus est mis sur l'affaire, mais les victimes n'ayant que très peu de points communs, celle-ci n'avance pas et la population d'Edimbourg panique. L'inspecteur reçoit en parallèle des lettres anonymes, assez énigmatiques, contenant des nœuds et des croix. Et si la clé de ces affaires se trouvait en fait enfouie dans les méandres de son passé ?

Mon avis : Ce livre est le premier tome de la série des Rebus. On découvre l'inspecteur (adjoint dans ce tome), son passé énigmatique étant un des points forts de ce livre. Cynique, associable, l'homme est tourmenté par le passé qu'il a refoulé et qui ressurgit aux moments les plus inopportuns. C'est un personnage complexe, à la limite du criminel, dans une ville dont l'auteur nous présente les côtés les plus noirs. Loin de l'Edimbourg idéalisé des touristes, Ian Rankin nous entraîne dans les bas-fonds à travers une écriture très détaillée et satirique, ce qui fait le charme de ce livre. Les idées noires du personnages principal et cet autre visage de la ville donnent une atmosphère très sombre au livre, qui n'est pourtant pas dénué d'humour.
Au-delà de cette atmosphère, j'ai beaucoup aimé l'écriture de ce livre, simple et dynamique avec quelques mots d'argot qui donnent de la puissance au texte. Les mots choisis par Ian Rankin ne le sont jamais au hasard, les indices sont partout, dans les références littéraires, les jeux de mots, qui finalement nous prennent au jeu de l'enquêteur et nous en apprennent plus sur ce passé oublié. 
Je dois juste préciser une chose ; bien que catégorisé en tant que "roman policier", je déconseille fortement de lire ce livre pour son intrigue policière. Elle n'est qu'une excuse pour en savoir plus sur John Rebus, longue à démarrer, elle est en plus plutôt prévisible. Le véritable intérêt de L'étrangleur d'Edimbourg est la dualité qui en ressort, celle de Rebus et de sa ville.

Un roman satirique sur la nature humaine, le côté sombre qu'on a en chacun de nous.




"Edimbourg était schizophrène, la ville de Jekyll et Hyde, bien entendu, mais aussi celle de Deacon Brodie, des manteaux de fourrures sans petite culotte, comme on disait à Glasgow."
L'étrangleur d'Edimbour

lundi 8 mai 2017

Arca

Romain Benassaya
Editions Critic
EAN : 9780201379624

sorti le 16 juin 2016
450 pages



En 2157, l'Arca, un vaisseau spatial fonctionnant à l'aide d'une technologie incomprise de ses propres concepteurs, s'apprête à franchir le seuil de Jupiter pour rejoindre la Griffe du Lion. Pour Sorany Desvoeux, la scientifique qui a découvert l'étrange combustible du vaisseau et Frank Fervent, investigateur de bord, commence un voyage mouvementé riche en péripéties.

Mon avis : Ce roman est un space-opera, et un premier roman ce qui est assez impressionnant. Nous suivons quelques personnes appartenant à l'équipage du vaisseau Arca, les deux principaux étant Sorany Desvoeux, la scientifique ayant découvert la mystérieuse matière d'Encelade qui permet au vaisseau de fonctionner, et Frank Fervent, un proche du commandant de bord chargé de la protection de la jeune femme, car Sorany a un rôle important dans cette mission qu'elle seule peut endosser.
On suit chapitre par chapitre la vie de Sorany et de Frank, le présent laissant la place au passé afin d'expliquer la découverte de cet énigmatique combustible et du contexte géopolitique avec les colonies terriennes dans la galaxie. Cette construction permet d'entretenir le suspense et finalement, lorsqu'on est pris dans l'intrigue, on ne peut plus décocher de ce livre. 
Le style de Romain Benassaya est très descriptif, ce qui peut être un peu lassant par moment, mais son monde est cohérent et plutôt simple à assimiler. Grâce à son intrigue, il aborde, de manière subtile, énormément de sujets, comme des avertissements sur des faits d'actualité, en particulier le risque des mouvements sectaires, le ravage de l'ultra-capitalisme et la nécessité d'être unis pour changer le système. J'ai trouvé son univers et son intrigue très travaillés, et finalement je vois son livre comme un appel à la compréhension des autres, de nos différences, même si on ne les accepte pas : Ireen Tseï est plus complexe qu'il n'y paraît, en fait les aliens ont profité de sa jalousie pour la contrôler mais même eux faisaient cela par nécessité, pour survivre.

Un roman captivant, une superbe découverte.




"C'est là une règle qui a de tout temps été valable : il n'y a pas d'autre alternative à un saut en avant dans le développement de l'humanité que le déclin."
Arca