dimanche 23 avril 2017

Alice au pays des merveilles

Lewis Carroll, Benjamin Lacombe
Editions Soleil
EAN : 9782302048478

sorti le 16 décembre 2015
294 pages


Alice s'ennuie auprès de sa sœur qui lit un livre ("sans images, ni dialogues") tandis qu'elle ne fait rien. "À quoi bon un livre sans images, ni dialogues ?", se demanda Alice. Mais voilà qu'un lapin blanc aux yeux roses vêtu d'une redingote avec une montre à gousset à y ranger passe près d'elle en courant. Cela ne l'étonne pas le moins du monde. Pourtant, lorsqu'elle le voit sortir une montre de sa poche et s'écrier : "Je suis en retard ! En retard ! En retard !", elle se dit que décidément ce lapin a quelque chose de spécial. En entrant derrière lui dans son terrier, elle fait une chute presque interminable qui l'emmène dans un monde aux antipodes du sien. Elle va rencontrer une galerie de personnages retors et se trouver confrontée au paradoxe, à l'absurde et au bizarre...

Mon avis : Ce livre d'Alice aux pays des merveilles est très intéressant au-delà du roman et des illustrations de Benjamin Lacombe. En annexes, le lecteur peut lire les correspondances de Carroll avec ses "amies-enfant" ainsi que voir des photographies qu'il a prises de certaines de ces petites filles dont Alice Lindell. Cela permet d'avoir un aperçu de ses relations à ces jeunes filles, et dans le cas de ses correspondances avec Alice Lindell, de connaître l'histoire de son célèbre roman. Le deuxième point d'annexe qui m'a intéressée était celui des jeux de langages : la traduction ne peut jamais redonner toutes les subtilités de la langues originale, soit que le mot n'existe pas en français ou que le résultat soit trop lourd pour être gardé dans son intégralité. Henri Parisot est le premier traducteur d'Alice, et nous explique qu'il a essayé de reprendre les jeux de mots carrolliens en les rapprochant des expressions françaises pour que ce soit naturel. J'ai beaucoup aimé ce choix car dans la plupart des versions d'Alice, ces jeux de mots sont traduits littéralement ce qui rend le texte étrange, comme mal formulé.
Etant donné que j'ai déjà donné mon avis sur le texte du roman dans Alice's Adventures in Wonderland, je ne reviendrai pas dessus mais je parlerai seulement des illustrations de Benjamin Lacombe et de ce qu'elle apportent au texte. Tout d'abord, on retrouve bien son style si particulier : des visages bien ronds et de gros yeux, ce qui donne un côté très enfantin à ces personnages, très doux aussi. Cependant, la combinaison de ces éléments avec les couleurs pâles que portent Alice, le maquillage accentuant la blancheur de son teint, lui donne un côté très inquiétant, presque morbide comme si elle était malade. Ces tons clairs sont opposés aux tons criards, aux couleurs très vives du pays des merveilles, ce qui donne au décor un effet irréel. Et ce décor est bien le premier personnage de l'histoire : dans toutes ses illustrations, il prend le plus de place, il accroche le regard, Alice est minuscule à côté de lui... Ainsi, j'ai beaucoup aimé ce livre car j'ai l'impression qu'au fond Benjamin Lacombe a eu la même lecture d'Alice que moi, et que ça transparaît dans ses images. Le pays des merveilles n'est pas seulement un endroit merveilleux, il a une puissance qui domine tout et la logique qui y règne est éprouvante. Il y règne une atmosphère très inquiétante, qui est souvent mise de côté dans les adaptations d'Alice pour la jeunesse alors qu'à mon sens c'est une partie indispensable de ce lieu. De même, Alice ne comprend rien à ce qui s'y passe autour d'elle car elle est dans un entre-deux, entre fillette et femme, elle tente de comprendre avec un regard d'un enfant, ce qui la perd dans ce monde autant que ça perd le lecteur, car finalement ce qu'elle voit est la logique complexe de l'adulte, qui se rapproche souvent du non-sens pour une petite fille comme elle l'est.
Le dernier point, (rapide) que je voudrais aborder est la mise en page, en particulier au début du livre. Lorsque Alice grandit, l'illustration sort du livre, il faut déplier la page pour avoir accès à toute l'image, alors que quand sa taille diminue, la typographie réduit elle aussi. J'ai beaucoup aimé cette tension entre le texte et l'image, la façon dont chacun renvoyait des informations complémentaires au lecteur, et pour moi c'est un livre très réussi.

"Les deux Alice ne sont pas des livres pour enfants mais plutôt les seuls livres pour lesquels nous devenons enfants." Virginia Woolf

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